Le pacte d’actionnaire (ou d’associés) est un contrat conclu entre les associés d’une société, venant encadrer et préciser leurs obligations entre eux et vis-à-vis de la société. Il peut être signé entre tous les associés ou seulement certains d’entre eux.

Il s’agit en d’autres termes d’un contrat, qui se surajoute aux obligations découlant des statuts, mais qui, à la différence de ces derniers, n’obligent que les associés signataires alors que les statuts engagent tous les associés.

Si certaines clauses présentes dans un pacte d’actionnaire auraient pu tout aussi bien figurer dans les statuts (clause de préemption, d’inaliénabilité…), il peut être utile de les prévoir au sein d’un pacte d’actionnaire dans un souci de discrétion, puisque à la différence des statuts, celui-ci n’est pas publié au greffe et reste en principe confidentiel. De même, certaines clauses du pacte ne peuvent parfois pas figurer dans les statuts (conventions de vote) ou alors viendraient inutilement les alourdir.

La rédaction d’un pacte d’actionnaire ne doit pas être négligée car l’associé signataire est tenu par les obligations qui en découlent et, en cas de violation, engage sa responsabilité personnelle. C’est la raison pour laquelle, que le pacte soit signé lors de la constitution de la société ou à l’occasion d’une levée de fonds, il faut être particulièrement vigilant sur les clauses qui y sont stipulées.

Schématiquement, l’on peut considérer qu’il existe 5 types de clauses dans un pacte d’actionnaire :

I. LES CLAUSES DE PRESENCE

II. LES CLAUSES DE SORTIE

III. LES CLAUSES RELATIVES AUX DROITS FINANCIERS

IV. LES CLAUSES RELATIVES AUX DROITS EXTRA FINANCIERS

V. LES CLAUSES RELATIVES A L’APPLICATION DU PACTE

 

Cependant, les dispositions d’un pacte d’associé relevant de la liberté contractuelle des parties, cette liste n’a pas vocation à être exhaustive mais a seulement pour objet présenter les principales clauses que l’on rencontre communément.

LES CLAUSES DE PRÉSENCE

La clause d’inaliénabilité (ou d’incessibilité)

Cette clause, qui peut tout aussi bien être prévue dans les statuts, a pour effet d’interdire à un ou plusieurs associés de céder ou transférer tout ou partie de leurs actions avant l’expiration d’un certain délai.

Pour être valable, cette clause doit être limitée dans le temps.

En pratique, elle peut être insérée dans le pacte signé entre les fondateurs ou en cours de vie sociale, à l’occasion d’une levée de fonds par exemple. Dans ce dernier cas, elle permet aux nouveaux associés de sécuriser leur investissement dans la mesure où les associés fondateurs ont l’obligation de rester dans la société et de s’impliquer dans le développement de la société.

Cette inaliénabilité peut être modulée par une clause de « respiration » permettant à l’associé de céder un nombre limité d’actions au bout d’un certain délai.

La clause d’exclusivité

Il peut être prévu aux termes du pacte que les associés, et en particulier les associés opérationnels, fondateurs, ne travailleront que pour la société et ne développeront aucune activité par ailleurs, même non concurrente.

Cette clause peut tout aussi bien limiter l’exclusivité à certains types d’activités, en particulier celles concurrentes.

La clause de non-concurrence

La clause de non concurrence est complémentaire à la clause d’exclusivité en ce qu’elle interdit à l’associé de venir concurrencer, directement ou indirectement (en étant associé non opérationnel d’une autre société), la société.

Cette clause de non concurrence a vocation à jouer le temps de la présence de l’associé dans la société mais peut également s’appliquer lors de son départ en lui interdisant, sur un secteur géographique déterminé, un temps déterminé et une activité déterminée, d’exercer une activité concurrente.

Au surplus, pour être valable, cette dernière clause doit être assortie d’une contrepartie financière.

La clause de préemption

Cette clause permet à certains associés voire tous, de pouvoir racheter par priorité les actions cédées par des coassociés.

Généralement ce rachat prioritaire peut être exercé soit au prix de cession convenu par l’associé avec un potentiel cessionnaire, soit selon les modalités de valorisation prévues dans les statuts.

La clause d’agrément

La clause d’agrément permet de refuser l’entrée d’un nouvel associé dans la société dans l’hypothèse où, malgré l’existence d’un droit de préemption, les associés en place ne pourraient ou ne voudraient pas  racheter les actions du sortant.

Ces deux clauses sont donc complémentaires.

La clause d’agrément est généralement prévue dans les statuts de sociétés de personnes (SARL, Sociétés civiles…) où il existe un fort intuitu personae. Dans les sociétés par actions de type SAS, elle peut figurer dans les statuts ou alors dans le pacte d’actionnaire de façon à éviter l’entrée d’associés non désirés.

 

LES CLAUSES DE SORTIE

La clause de « buy or sell»

Cette clause, inspirée du droit anglo-saxon (parfois appelée clause américain ou texane), permet d’organiser la résolution d’un litige entre associés de façon à ce que l’un des associés cède ses actions à l’associé avec lequel il est en conflit.

Pratiquement, l’associé A partie au litige va prendre l’initiative de proposer à son coassocié B de lui racheter ses actions à un certain prix (librement fixé ou alors selon une méthode prévue dans la clause).

Si le coassocié B refuse de vendre au prix proposé, il est alors tenu de racheter les actions de l’associé A au prix offert par ce dernier.

Lorsque le prix est librement déterminé, cette clause permet ainsi d’obtenir des conditions de rachat ou vente justes  car l’associé A ne devra pas proposer un prix de rachat trop bas, au risque, en cas de refus du coassocié B, de devoir vendre à ce prix. Il faut à cet égard être particulièrement vigilant sur la prédétermination aux termes de cette clause de buy or sell d’une méthode de valorisation afin d’éviter d’être contraint de céder dans des conditions défavorables.

Il est ainsi recommandé en pratique de ne pas fixer à l’avance le prix mais de laisser la possibilité de le fixer librement, le moment venu.

Au final, le jeu de cette clause a un effet radical puisque l’un des associé partie au litige sortira automatiquement de la société, ce qui peut ainsi permettre d’éviter une paralysie de l’activité sociale lorsque les associés en conflit ont une participation importante au capital.

En effet, que l’associé B accepte ou refuse la proposition de son coassocié, cela emporte cession automatique et irrévocable des titres. L’associé A ne peut pas par ailleurs décider de renoncer à la mise en œuvre de la clause en cas de refus de l’associé B.

Compte tenu de ses conséquences importantes, une telle clause doit être rédigée avec attention.

La clause de bad leaver ou de good leaver

La clause de bad leaver a pour objet de prévoir au détriment d’un associé qui sort volontairement de la société ou en serait exclu en raison d’une faute, un mécanisme de sanction l’obligeant à céder ses actions à un prix inférieur à leur valeur vénale.

Cette clause est généralement convenue à l’occasion d’une levée de fonds au bénéfice des nouveau associés afin d’éviter qu’un homme clé, une fois la levée de fonds réalisée, ne sorte de la société.

Cette clause protège donc des investisseurs en contraignant l’homme clé à rester dans la société, pendant un délai convenu, au risque pour ce dernier de devoir céder ses actions dans des conditions défavorables.

Il est également possible de la mettre en œuvre lorsque l’homme clé, qui exerce une fonction opérationnelle (dirigeant, salarié), décide de démissionner ou lorsqu’il est révoqué de ses fonctions opérationnelles ou licencié pour faute grave ou lourde.

Dans ce dernier cas, la clause de bad leaver va s’articuler avec une clause d’exclusion.

La clause de bad leaver peut être complétée par une clause de good leaver permettant de récompenser l’associé « bon partant » ayant respecté les dispositions du pacte (durée de maintien dans la société, réalisation d’objectifs…).

Dans ce dernier cas, l’associé pourra alors céder ses actions à un prix avantageux.

Qu’il s’agisse de l’une ou l’autre de ces clauses, elles doivent être prévues pour une durée déterminée et préciser les modalités de détermination du prix de rachat. A cet égard, il est possible de prévoir un décote fixe ou alors progressive en fonction de la date de départ par exemple.

En tout état de cause, la rédaction de ces clauses est à manipuler avec précaution surtout lorsque la qualification de bad leaver est liée à l’exercice d’une fonction opérationnelle puisque les autres associés pourraient abusivement ou opportunément procéder à une révocation ou licenciement, précisément dans le but de racheter les actions du partant dans des conditions très avantageuses.

Dans tous les cas, pour être valable, cette clause devra être rédigée avec attention à défaut de quoi elle pourrait être nulle ou alors être modulée par un juge s’agissant de la décote du prix.

La clause de sortie garantie

La clause de sortie de garantie s’apparente à une clause de liquidité.

Une telle clause permet de garantir à certains associés, le droit de sortir de la société à la suite de la survenance d’un événement déterminé ou après un certain délai.

Les autres associés s’engagent ainsi à racheter les titres du ou des associés bénéficiaires de la clause de sortie garantie, ces derniers étant libres de faire valoir ce droit de sortie le moment venu.

Bien entendu, le prix de cession sera fixé selon des conditions de déterminabilité prévues aux termes de ladite clause.

De manière générale, cette clause est prévue au profit d’investisseurs qui souhaitent conserver « une porte de sortie » après un délai d’investissement déterminé.

De manière identique, la clause de liquidité permet à un associé de s’assurer une sortie de la société (isolée ou commune) en cédant leurs titres selon une méthode de valorisation prévue à l’avance.

Comme la clause de sortie garantie, la clause de liquidité pourrait imposer aux associés fondateurs l’obligation de racheter les titres d’investisseurs souhaitant partir après un certain délai.

En cela, la clause de sortie garantie ou de liquidité est manipuler avec précaution tant elle pourrait s’avérer très préjudiciable pour un associé qui n’aurait pas les moyens, le moment venu, de racheter les titres de ses coassociés.

La clause d’obligation de sortie conjointe (drag-along)

La clause d’obligation de sortie conjointe (appelée également clause de drag-along) est une autre forme de clause de liquidité en ce qu’elle permet à des associés majoritaires, d’obliger les associés minoritaires à céder leurs actions en même temps et selon les mêmes conditions.

Cette clause permet à des associés majoritaires qui souhaitent vendre leurs titres à un repreneur extérieur intéressé pour racheter l’intégralité du capital, de ne pas être bloqués par des associés minoritaires ne voulant pas céder.

En effet, le repreneur potentiel pourrait renoncer à son acquisition s’il ne peut se porter acquéreur de la totalité de la société.

Cette clause permet ainsi de ne pas bloquer un projet de reprise globale de la société.

En pratique, cette clause devra prévoir le seuil de déclenchement de l’obligation de sortie conjointe  et/ou n’être réservée qu’à une certaine catégorie d’associés (par exemple les fondateurs).

Il est également opportun de prévoir, au bénéfice des minoritaires, que cette obligation de cession conjointe ne peut être mise en œuvre que si le prix proposé protège l’investissement de départ.

La clause de droit de sortie conjointe (tag along)

Cette clause est souvent le pendant de la clause de drag along mais permet quant à elle de protéger les associés minoritaires eu leur offrant la possibilité de vendre tout ou partie de leur participation en même temps et au même prix que l’associé majoritaire.

Elle permet ainsi à l’associé minoritaire de sortir en même temps que la société change de mains par exemple.

Cette clause doit être rédigée avec précision en prévoyant en particulier les associés bénéficiaires et si le droit de cession est intégral ou proportionnel.

La clause de cession forcée

Cette clause a pour objet d’obliger certains associés à céder leurs titres à d’autres associés en cas de survenance d’un événement prévu à l’avance.

Elle peut être prévue par exemple dans le cadre d’une clause de drag along afin d’obliger l’associé minoritaire à céder en cas de reprise globale ou alors dans le cadre d’une clause de bad ou good leaver lorsque l’associé exerçant une fonction opérationnelle (dirigeant ou salarié) met fin à ses fonctions ou en est révoqué ou licencié lorsqu’il bénéficie d’un contrat de travail.

La clause d’exclusion

Cette clause permet d’exclure un associé lorsque celui-ci a violé des obligations découlant du pacte ou des statuts.

Il s’agit en d’autres termes d’une clause de rachat forcé des titres de l’associé fautif, à titre de sanction.

 

LES CLAUSES RELATIVES AUX DROITS FINANCIERS

La clause anti-dilution

Cette clause permet aux actionnaires ou à certains d’entre eux de protéger leur niveau de détention du capital à l’occasion d’une augmentation de capital.

Ainsi, les associés en place pourront souscrire à l’augmentation du capital, par priorité, à condition d’avoir la trésorerie suffisante pour ce faire.

Cette clause se distingue du droit de préemption puisque cette dernière permet non pas de conserver le niveau de participation au capital, mais de l’augmenter en achetant les actions cédées par un coassocié.

La clause de ratchet

Cette clause se distingue de la clause anti-dilution en ce qu’elle permet de se protéger contre une baisse de valorisation de la société. Elles ont cependant comme point commun de préserver l’associé contre une dilution de sa participation.

Une clause de ratchet est généralement prévue à l’occasion d’une levée de fonds de façon à protéger les nouveaux investisseurs contre une baisse de valorisation de la société à l’occasion de levées de fonds ultérieures (l’on parle alors de clause de ratchet investisseur). Autrement dit, elle permet de réajuster un investissement, de reluer la participation de son bénéficiaire qui aurait souscrit trop cher ses actions.

Ainsi, en cas de baisse de valorisation à l’occasion d’un tour de table suivant, le bénéficiaire pourrait augmenter sa participation en achetant des actions supplémentaire à un prix symbolique de façon à ce que la valeur réelle de la totalité des actions corresponde au montant initialement investi.

La clause peut aussi avoir pour effet de faire bénéficier les associés fondateurs d’une augmentation de valorisation en leur permettant de souscrire des actions à un prix inférieur à leur valeur réelle et ainsi conserver le même niveau de participation.

Cela fait partie du management package destiné à intéresser l’équipe dirigeante à la réussite du projet en valorisant leur investissement. Cette clause est également sécurisante pour les investisseur en permettant une stabilité de l’actionnariat au niveau notamment des hommes clés.

En résumé, la clause de ratchet management permet de récompenser le succès d’une levée de fonds alors que la clause de ratchet investisseur vient en quelques sorte corriger l’échec lié à une baisse de valorisation.

La clause de répartition des bénéfices

Cette clause permet de garantir les associés minoritaires d’un vote leur octroyant en fin d’exercice social, à l’occasion de l’approbation des comptes, le versement de dividendes d’un montant minimal rémunérant leur investissement, ce,  à condition que les bénéfices le permettent.

Les associés minoritaires ne sont ainsi plus dépendants de la majorité pour prétendre à une quote part de bénéfices.

Cette clause dont le but est financier constitue une convention de vote.

La clause de maintien des capitaux propres

Certains associés peuvent s’engager à refinancer la société dans l’hypothèse où les capitaux propres deviendraient inférieurs à une certaine proportion du capital social.

 

LES CLAUSES RELATIVES AUX DROITS EXTRA-FINANCIERS

La clause relative au droit de vote

Les statuts ne peuvent pas organiser ou orienter le droit de vote d’un associé.

Il est cependant possible aux termes d’un pacte d’associés d’obliger un ou plusieurs associés à voter selon des objectifs déterminés.

Il est ainsi possible de prévoir :

  • La renonciation temporaire à un droit de vote
  • L’obligation de voter pour ou contre certaines résolutions
  • Un droit de veto pour certaines décisions
  • L’obligation de se concerter avant chaque assemblée afin de voter de la même manière.

En cas de non-respect de la convention de vote, l’assemblée n’en reste pas moins valable.

Cependant, l’associé fautif pourrait voir sa responsabilité personnelle engagée par les autres parties à la convention qui en seraient victimes.

La clause relative au droit à l’information des associés

Les associés de SAS bénéficient d’un droit légal à l’information notamment avant chaque assemblée générale. De même, ils bénéficient d’un droit d’alerte leur permettant de poser par écrit des questions au Président en cas de survenance d’un fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation.

Les statuts peuvent bien évidemment prévoir un droit renforcé à l’information.

Si rien n’est prévu statutairement, il peut être prévu aux termes d’un pacte d’actionnaire, notamment au profit d’investisseurs, un droit particulier à l’information sur la gestion de la société (informations comptables et financières notamment) en obligeant par exemple au Président à communiquer selon une périodicité prévue, un reporting, un prévisionnel…

 

LES CLAUSES RELATIVES A L’APPLICATION DU PACTE

La clause relative à la durée de validité du pacte

Si aucune durée n’est prévue aux termes du pacte, celui-ci est à durée indéterminée ce qui implique qu’il peut être résilié unilatéralement et à tout moment par un associé signataire.

Il est donc conseillé de prévoir une durée de validité.

Surtout, il peut être opportun de fixer des durées d’application différente en fonction de l’obligation. L’on va par exemple prévoir une durée plus courte pour une clause d’inaliénabilité.

La clause pénale ou d’astreinte

La clause pénale permet de convenir à l’avance, en cas d’inexécution du pacte, un dédommagement pécuniaire et forfaitaire au profit de l’associé victimes de la violation.

Ce faisant, l’objectif est en effet de dissuader l’associé de violer les dispositions dudit pacte.

En ce qui concerne l’astreinte, l’associé s’engage à verser à l’associé victime de la violation, une somme forfaitaire par jour de non-respect du pacte. Cela est pertinent lorsque la violation consiste à refuser ou retarder le jeu d’une obligation de cession par exemple.

La clause de retrait

Cette clause permet à un associé victime de la violation du pacte de faire valoir un droit de retrait en forçant ses coassociés, ou l’auteur, à lui racheter ses actions.

La clause résolutoire

Si la clause résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l’une des parties n’exécuterait pas ses obligations, le pacte d’actionnaire peut prévoir de manière expresse une telle clause.

Ainsi, le pacte peut être résolu de plein droit en cas d’inexécution de ses obligations par un signataire. Il convient dans cette hypothèse de prévoir précisément le type de violation pouvant entraîner la résolution et les modalités de mise en œuvre afin d’éviter un usage abusif et de mauvaise foi.

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